Le représentant des Bâtiments de France se tourne brusquement vers l'architecte, et s'exclame :
-
"Mais cette construction a une valeur inestimable, monsieur ! et
vous osez suggérer d'en faire un restaurant ?
-
Oui, c'est cela. Ou alors, je ne vois qu'une solution : la
destruction totale.
-
Comme vous y allez ... Remplacez-le par un parking, pendant que vous
y êtes !
-
Un parking ... tiens, tiens ... Euh, pour cela, il faudrait faire en
sorte que l'on ait besoin de s'arrêter ici. Ou bien ... une
discothèque ?
-
Il en existe déjà une, pas loin.
-
Alors, quoi ? ...
-
Pourquoi donc, monsieur l'architecte, ne pensez-vous qu'à quelque
chose de commercial, qu'à un immeuble de rapport ?
-
Mais parce que notre époque le veut, les temps actuels sont ainsi
faits ! J'imaginerais bien, pour ma part, une refonte intégrale : On
couvre le toit de tuiles, pour faire "Sud de la France", ce serait
joli; on peint les murs extérieurs d'un enduit jaune du plus bel
effet, et on fait venir les touristes !
-
Arrêtez, c'est de la folie douce !
-
Bon. Enfin, bon ... Alors, on le démantèle, pierre par pierre,
qu'on numérote, et on le reconstruit à l'identique, au bord de la
mer, pour garnir une station balnéaire d'un bel élément décoratif.
Autour, évidemment, un grand parc d'attractions, où la petite
souris aux grandes oreilles noires trouvera son bonheur.
- Et moi, des Bâtiments
de France, je vois ici un aménagement culturel. Non monsieur, ce mot
n'est pas une injure. Bibliothèque, cinéma, ouverts à toutes les
cultures, non ce mot n'est pas une injure, ouverts à tous vents. Un lieu intellectuel, et non ce mot
n'est pas non plus un gros mot.
- Et le monsieur, là,
qui est venu donner l'avis de sa famille, propriétaire, qu'est ce
qu'il en pense ? Il faudrait peut-être lui demander son avis ?
- Ma famille et moi, nous
n'hésiterons pas une seconde : respect de sa structure,
reconnaissance d'un patrimoine intouchable, et métamorphose
intelligente ..."